jeudi 6 août 2009

Houses of the Blooded


Le premier jeu que j'ai envie de détailler est Houses of the Blooded (HotB). L'auteur s'appelle John Wick et on lui doit également Legend of the 5 Rings et 7th Sea, donc pas exactement un inconnu même pour les joueurs français. Le jeu est écrit avec un style très personnel, à la première personne. John s'adresse au lecteur comme un grand frère qui sait de quoi il parle et qui a une idée très précise du jeu qu'il veut présenter. C'est pas juste un vœu pieu comme dans certains jeux ou l'ambiance essaye de passer à travers les fictions qui ponctuent le bouquin mais dont le système reste très fade et étranger au sujet. Par moment le texte est un peu verbeux mais avec les meilleurs intentions (mettre les points sur les i par exemple). A titre d'introduction John se prête au jeu des trois questions importantes telles qu'énoncées par Jared Sorensen. "De quoi parle le jeu?" De tragédie. De ces personnages de théâtre et d'opéra dont l'audience voit clairement qu'ils se fourvoient mais qui sont captifs de leurs passions et courent irrémédiablement a leur perte. Bon, c'est pas si noir, les personnages pourraient s'en tirer mais reste que le jeu se veut un anti-D&D: il ne s'agit pas de l'ascension linéaire d'aventuriers vers la fortune et la gloire. Non c'est l'histoire de nobles riches et puissants que les règles sociales et l'ambition propulsent vers des crimes passionnels. "Comment le jeu adresse-t-il le sujet?" D'abord la feuille de personnage est composée d'armes a double tranchant. Elle regorge de forces ainsi que de faiblesses, mécaniquement. Ensuite les règles adressent les points importants de la culture Ven (la civilisation servant de toile de fond) : vengeances et duels, sorcellerie et romance, art et féodalité. "Quels comportements le jeu stimule-t-il?" HotB se propose de respecter le style dont est emprunt la littérature Ven. Les personnages se doivent d'être flamboyants et mémorables, passionnés et emportés, misant tout pour briller fugacement. Un des moteurs du système sont les points de style que les joueurs (MJ inclu) distribuent pour récompenser les autres joueurs quand ils excellent dans leur rôle. Cette attitude rappelle aux joueurs qu'ils sont tout a la fois acteurs et audience pendant une partie de HotB.



Les Vens sont une race proche des humains avec quelques différences. John parle des Vens comme si il s'agissait d'une civilisation réelle dont les archéologues continueraient d'étudier les traces. C'est un poil artificiel et répétitif mais pas rédhibitoire a mon avis. Il aurait pu faire aussi bien avec une civilisation dans un monde lointain mais en prétendant émuler la littérature des Vens qui auraient habité la Terre dans un temps reculé il renforce la contrainte de style du jeu comme un facteur extérieur. En un sens c'est une mise en abîme: le jeu impose des contraintes stylistiques aux joueurs mais les règles subissent des contraintes similaires par soucis de fidélité a la littérature Ven. Les Vens ont été créés par les rois sorciers, une race malfaisante qui a disparu quelques siècles auparavant. Les Vens ont hérité des ruines et des sortilèges de leurs défunts maîtres et entretiennent des relations ambivalentes avec les reliques de cet age disparu. Ce background a pour but de justifier la complexité et les contradictions des conventions sociales Ven. Je dois apporter une précision ceci dit: la société Ven est ébauchée a grands traits mais John rappelle régulièrement que les joueurs doivent se sentir libre d'étoffer, transformer et contredire ce background (voir les Risques plus bas) afin de se l'approprier, et ceci pendant qu'ils jouent du moment que cela reste consensuel. Six maisons nobles existent chez les Vens. Chacune est associée avec l'une des caractéristiques présentes sur la feuille de perso (Force, Astuce, Courage, Beaute, Savoir et Prouesse). Ces tandems maison/caractéristique sont également représentés par des animaux totémiques (ours, cerf, faucon, renard, serpent et loup). Mais passons a la feuille de personnage.

A cote du nom, de la maison et autres titres nous avons les caractéristiques. Les joueurs attribueront des rangs (allant de cinq a deux) parmi ces caractéristiques. Mais l'une d'entre elles ne recevra rien. Nada. Zip. Keudalle. C'est la faiblesse du personnage et pour les défis qui en relèvent il est fort a parier que le PJ va en baver (chouette!). Nous avons également les dévotions qui représentent la ferveur du personnage pour ces ancêtres qui ont acquis un statut équivalent a celui des saints catholiques. Cette ferveur permettra d'obtenir un bonus pour certaines actions gouvernées par ces ancêtres. Plus important sont les Aspects. Directement empruntes du système FATE (comme dans Spirit of the Century) les Aspects représentent des descriptifs flexibles qui peuvent aider le PJ mais aussi l'handicaper voire le contraindre a agir a l'encontre de ses intérêts. Les Aspects sont apparus dans de nombreux jeux et pour une bonne raison: ils rendent les personnages éminemment vivants. Les Aspects sont déclenchés a la condition de dépenser des points de styles dont c'est une des utilités. L'age des personnage est modélisé a grand trait par une analogie avec des saisons: du printemps (jeune adulte) a l'hiver (fin de vie). A chaque age correspond un nombre d'aspects (y compris des aspects de vieillesse qui n'apportent pas d'avantage). Mais passons aux Risques.

L'un des principes "dirty hippy" que John Wick a adopté dans HotB est que le MJ se doit de dire oui aux propositions des joueurs ou de s'en remettre aux dés (say yes or roll the dice). Donc si un joueur déclare que son personnage fait quelque chose de plausible et que le MJ n'a pas de bonne idée narrative en cas d'échec il ferait mieux de dire oui. Ca pourrait être un "oui mais..." ceci dit. Si c'est une action pivot ou une question qui pourrait ouvrir des horizons alors il est temps de Risquer. Risquer veut dire que le MJ désigne une caractéristique appropriée pour le défi en cours et le joueur essaie de rassembler les différents bonus qu'offrent sa feuille de personnage pour accroître ses chances. On utilise uniquement des d6 et la somme a atteindre est toujours 10. Ca peut sembler étrange au premier abord mais ca se clarifie quand on apprend que le joueur peut miser certains de ses dés. Ainsi disons que le baron de Krazen souhaite faire forte impression sur son entourage en dévoilant sa dernière peinture. pour ce Risque il arrive a rassembler 7 dés a six faces ce qui est plus que suffisant pour réussir. Le joueur du baron décide de miser 3 de ses dés et donc n'en lance que 4. Il obtient une somme de 12. Il remporte le risque et sa mise de 3 dés. Ca devient un peu plus subtil: remporter un Risque signifie que le joueur décide si son personnage a réussi ce qu'il entreprenait ou pas. Oui le joueur peut décider que son PJ échoue. Le risque sert a désigner qui raconte ce qui se passe. Et la mise alors? Chacune des mises donne le droit d'ajouter des détails. Par exemple le baron de Krazen a décidément fait forte impression (risque remporté, le joueur décide que son personnage a réussi) et dans l'assemblée se trouve la marquise de Sigurn (première mise) qui est touchée jusqu'aux larmes par l'œuvre (première mise) et cela réveille l'attirance qu'elle avait pour le baron (deuxième mise) et rien n'échappe a son mari (troisième mise). Si après une scène comme celle ci aucun des joueurs a la table ne donne de point de style alors il est temps de changer de jeu. Je dois dire que je trouve le système de risque génial et j'ai vraiment hâte de le voir en action. Les Risques peuvent être compétitifs entre deux joueurs ou plus. Le MJ ne jette de dés que si un de ses PNJs est impliqué dans le conflit. Je pense qu'il devient clair que les joueurs sont incités a récolter autant d'aspects (approprié) que possible. Et c'est ainsi que le jeu pousse les joueurs a développer des Romances et des Vengeances qui permettent de créer des aspects temporaires et augmentent les possibilités de s'emparer du pouvoir narratif.

Il y'a encore de nombreuses règles dans HotB que je n'explorerai pas, comme par exemple celles qui régissent la gestion du domaine d'un noble Ven. Elles concordent toutes a générer des aspects ou encore a engranger du style et je dois dire que même si certains détails sont un peu brouillons il est facile de respecter l'esprit de HotB sinon la lettre. John s'efforce de transmettre comment cette horlogerie doit être utilisée par les joueurs pour créer des histoires comparables aux Liaisons Dangereuses ou encore a Elric de Moorcock. Et je pense qu'il y réussit. Le succès a la table de jeu dépend cependant encore d'un facteur qui échappe a l'auteur: le groupe de joueurs. Ce n'est probablement pas inné pour un joueur de mettre son personnage en danger voire de le maltraiter pour la joie de tous. John fait le pari que les joueurs sont intelligents et peuvent s'emparer de HotB pour créer des tragédies sans que cela se transforme en fâcherie a la table de jeu. J'aime cette démarche, mais c'est peut être plus facile a dire qu'a faire... Je verrai bien, des que j'aurai rassemblé des volontaires...

2 commentaires:

  1. Oh et j'oubliais : ce jeu ne coute que $5 dans sa version pdf! Une aubaine!

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  2. Intéressant article sur un jeu non moins intéressant.

    Je conseillerais néanmoins d'adopter par la suite un style plus aéré: ça fait vraiment une accumulation de gros pavés de texte assez rébarbatifs. Peut-être ajouter des sous-titres.

    Dans tous les cas, je suis avec intérêt.

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